Biographie de Emilie Salamin-Amar

Je suis née le 29 février 1948 à Paris. Ecrire pour moi est vital.
Enfant déjà, j’écrivais dans la soupe aux lettres que me faisait ma mère. Puis, sur des petits bouts de papier. Adolescente, j’ai appris à taper à la machine et enfin à présent j’utilise un ordinateur. L’école de la vie m’a ouvert les yeux de façon assez brutale sur l’existence. C’est probablement ce début de chemin de vie difficile qui a développé
mon imaginaire afin de pouvoir m’y réfugier dans les moments forts.
1952, j’avais 5 ans. Traversée de la Méditerranée, Marseille-Casablanca en bateau. Nous voyagions en 2ème classe, d’autres personnes étaient entassées au fond de la cale… en 3ème classe il y avait des travailleurs maghrébins retournant en vacances dans leur pays. Je les regardais depuis le pont comme s’ils étaient dans une fosse. Ils étaient entassés à même le sol avec juste une couverture servant de lit et entourés de leurs multiples petits paquets qu’étaient leurs bagages. Prise de conscience de la différence des classes.
1955, j’avais 7 ans. Ma mère est morte à Marseille suite à un cancer du sein à l’age de 36 ans. Prise de conscience de la perte d’un être irremplaçable. Premières interrogation sur Dieu, la vie, la mort, l’amour.
1955, j’avais 7 ans. Traversée de l’Atlantique, Le Hâvre-Les Antilles. Nous avons habité à Fort-de-France (Martinique) dans une magnifique maison coloniale. Nos voisins, les Thélise étaient noirs et logeaient dans une toute petite case faite de tôle et de bois à même la terre battue. Madame Thélise était une ancienne esclave. Nous l’avons invité à entrer dans notre belle demeure, elle mangeait à notre table. Nos amis étaient ses enfants. C’était la première fois que les Thélise se sentaient considérés comme des êtres humains à part entière… qu’ils croisaient le regard des blancs. Prise de conscience du racisme, de l’esclavage, de la pauvreté.
1956, j’avais 8 ans. Toujours en Martinique. Nous écoutions en boucle le disque de Boris Vian : Le Déserteur. A cette époque, ce disque était interdit en France. Je l’avais appris par cœur. Prise de conscience de l’inutilité des guerres, de la rébellion… je deviens une graine de résistante, pacifiste, antimilitariste !
1956, j’avais 8 ½ ans. Retour au Maroc. Indépendance de ce pays. Prise de conscience du colonialisme, l’occupation, de la soif de liberté des peuples.
1960, j’avais 12 ans très exactement. Le jour de mon anniversaire, le 29 février, un tremblement de terre rase la ville d’Agadir. Les noms de milliers de morts sont publiés dans les journaux. Prise de conscience de la force de la nature, fragilité de la Terre. Interrogations sur le présent, l’avenir, le hasard, la destinée, les facteurs incontrôlables pouvant intervenir dans notre vie.
1960, j’avais 12 ans. J’habitais Casablanca. La mort frappe à nouveau à ma porte. Ma sœur Betty est morte dans un accident de voiture alors qu’elle n’avait que 16 ans. Prise de conscience de la fragilité de la vie, des êtres. Urgence de dévorer la vie avant qu’elle ne m’échappe. Peur incontrôlable d’être la prochaine  » victime « .
1962, j’avais 14 ans. Paris. Les événements d’Algérie, comme l’on disait à l’époque, me ramènent à la colonisation une fois de plus. Mon frère Armand y était militaire. Interrogations profondes : qu’est-ce que l’armée, la patrie, une nationalité ? Faut-il, doit-on accepter de mourir ou de tuer sur ordre d’un élu ? Réponse : non.
1962, j’avais 14 ans. Israël. Premières rencontre avec des rescapés des camps de concentrations. Première approche politique concernant le Proche Orient. Véritable apprentissage ethnologique, rencontres avec des juifs originaires de 77 différents pays. Mieux qu’un tour du monde ! C’est à cette époque que j’abandonne l’idée d’appartenance à un pays, je deviens fille de la planète. Prise de conscience du droit à la différence entre les êtres humains. Je deviens pacifiste.
1970, j’avais 22 ans. Ma sœur Danielle est morte à l’age de 29 ans, assassinée. Elle habitait Cayenne. Elle travaillait à la base de Kourou. Constat : un être humain peut endurer le pire. Interrogation : Pourquoi ces trois morts ne m’ont pas tuée de chagrin ? Comment me relever ? Où trouver des forces ? Solution : en moi. Je décide de diriger ma vie… une vie d’exception. J’apprends à aller à l’essentiel. Prise de conscience en outre de la dimension de l’espace, questionnement sur l’avancée de la science si elle n’est pas mise au service des humains ?
Depuis, j’essaie de continuer à ouvrir mon cœur, mon âme et mon intelligence aux gens qui croisent mon chemin. Ce sont leurs rencontres, leurs témoignages, nos échanges qui ont fait celle que je suis aujourd’hui : ouverte aux autres.Mes nombreux voyages autour de la belle planète Bleue m’ont permis d’accéder à d’autres horizons, d’autres richesses, d’autres cultures. J’ai eu la chance de visiter et apprécier les pays suivants: Angleterre, Antilles, Australie, Chypre, Chine, Crète, Croatie, Egypte, Espagne, France, Grèce, Guyane française, HongKong, Italie, Israël, Macao, Malte, Maroc, Mexique, Monaco, Palestine, Polynésie française, Portugal, U.S.A., Singapour, Suisse, Thaïlande, Turquie.
Aujourd’hui, j’habite en Suisse et c’est depuis un tout petit village que je regarde le Monde évoluer à sa manière.